Le 4 novembre 2003, dans le bureau de poste-mercerie de Llandudno (pays de Galles) qu'il gere avec sa compagne, Suzanne, Alan Bates ne se laisse pas intimider par les enqueteurs dépechés par la direction nationale. Oui, il tente depuis des mois de comprendre pourquoi un déficit abyssal se creuse dans sa caisse, mais il ne va pas se laisser traiter comme un coupable. Alan ignore qu'a travers le pays plus de sept cents autres postiers et postieres ont, comme lui, perdu le sommeil face aux dizaines de milliers de livres sterling mystérieusement évaporées de leurs comptes. Il soupçonne que le nouveau logiciel de comptabilité, acheté a prix d'or par l'entreprise publique a une firme japonaise, est la cause du probleme. Mais la hotline maison lui répond toujours la meme chose : Vous etes le seul a rencontrer des difficultés. Jo Hamilton, terrifiée apres avoir vu a la télé un vénérable collegue emmené en prison, se résigne, elle, a plaider coupable au tribunal, comme l'a exigé le représentant du Post Office. En entrant dans la salle d'audience, celle qui tenait avec amour la poste-salon de thé de son village est accueillie par les applaudissements de ses concitoyens venus la soutenir... Déni de justice Comme pour France Télécom, un mélange d'incompétence, de mensonges et de violence managériale a conduit au scandale qui, entre 2000 et 2015, a brisé les existences de milliers de subpostmasters, hommes et femmes incarnant dans leur quartier ou leur village le visage bienveillant du service public. Condamnés sans preuve pour détournement de fonds, ils ont perdu leur emploi, leurs économies, souvent leur maison, pour s'acquitter, en plus, de frais de justice dix fois supérieurs au trou de leur caisse, fabriqué par le logiciel défaillant Horizon. Certains ont purgé des peines de prison, quand plus de deux mille autres se sont ruinés pour ne pas subir l'épreuve du tribunal. Enfin, quatre personnes se sont suicidées sous la pression, et soixante autres sont décédées avant d'avoir obtenu gain de cause. Sans la ténacité d'Alan Bates, qui a fédéré autour de lui 554 autres victimes, la vérité n'aurait jamais éclaté. D'autant qu'en vertu d'une tradition britannique multiséculaire, le Post Office, juge et partie, a le privilege de mener ses propres enquetes en cas de délit. Le casting remarquable réuni autour de Toby Jones et Monica Dolan fait partager de façon poignante le drame de ces decent people (gens honnetes) retrouvant ensemble la force de se battre. Pourtant, si le proces qu'ils ont intenté a mis en évidence l'incroyable accumulation des fautes commises par l'ancienne direction, celles-ci n'ont donné lieu a aucune sanction. C'est l'État, donc le contribuable, qui a commencé a verser, au compte-gouttes, une part des centaines de millions d'euros de compensation dus aux victimes. Fin 2023, le succes de cette minisérie outre-Manche a relancé un processus judiciaire enlisé, poussant une commission d'enquete a accélérer ses auditions, achevées fin 2024. Les postiers attendent désormais son verdict.