Il faut que je danse !, clame-t-il dans Chantons sous la pluie (1952), ce chef-d'euvre enchanteur de la comédie musicale devenu un symbole de l'âge d'or de Hollywood. Virtuose de la scene au rayonnant charisme, Gene Kelly y a mis beaucoup de lui-meme, derriere et devant la caméra. Car cet athlete perfectionniste, formé au music-hall puis révélé a Broadway, a compris des son arrivée a la Mecque du cinéma, en 1941, comment danser avec la caméra. La MGM, qui l'accueille apres un contrat sans suite a la RKO pour tourner un premier musical avec la star Judy Garland, le laisse rapidement concevoir ses chorégraphies lui-meme. Avec son complice Stanley Donen, lui-meme ancien danseur passionné par la comédie musicale, il va contribuer a réinventer le genre, avec notamment Un jour a New York (1949), tourné en partie en extérieur dans les rues de la ville. Metteur en scene exigeant, il a sans cesse repoussé les limites de son art, imaginant par exemple de formidables duos avec le champion de boxe noir Sugar Ray Robinson ou une petite souris de dessin animé, et a aussi révélé de nombreux talents, dont ses partenaires Leslie Caron, Cyd Charisse, Debbie Reynolds ou Donald O'Connor, mais aussi le jeune compositeur Leonard Bernstein. Le partageur Faire une comédie musicale, c'est un boulot tres dur. Aussi dur que de creuser une tranchée, disait-il. S'il a incarné a l'écran le héros américain par excellence avec sa gaieté, sa simplicité et son énergie, cet homme de convictions, qui s'est défini un jour comme un prolétaire de la danse en rendant hommage a l'aristocrate Fred Astaire, s'est engagé pour les droits civiques et s'est battu publiquement contre l'hystérie maccarthyste. Alors que sa femme, Betsy Blair, appartient au Parti communiste, sa popularité lui permet de continuer a travailler, meme si le couple devra un temps s'exiler a Londres. Avec d'irrésistibles extraits de films commentés par lui-meme au fil d'un entretien d'archives, on découvre comment il a partagé son inépuisable bonheur de danser avec des générations de spectateurs, cachant son travail acharné derriere une décontraction de showman. Une créativité restée en partie méconnue, peut-etre parce que Gene Kelly, disparu en 1996, a cultivé un autre talent, moins répandu parmi ses pairs : la modestie.